J’ai assisté lundi au symposium international « l’enseignement
des mathématiques dans le monde », à l’institut Henri Poincaré (ce symposium
fait suite à la publication du numéro 93 de la Revue internationale d’éducation
de Sèvres, consacré à ce thème).
Les interventions des six intervenants ont été tout à
fait passionnantes et vous en retrouverez l’essentiel dans le numéro 93 déjà
cité :)
Je voudrais simplement revenir sur une remarque rapide de
Pierre ARNOUX (professeur de mathématiques, Université d’Aix-Marseille) à
laquelle j’ai failli réagir sur place… et puis je me suis tout de même raisonné
: prendre le micro pour quelque chose d’aussi superficiel, non !
Mais ici, je peux, n’est-ce pas ?
Pierre ARNOUX énumérait les très nombreuses réformes,
depuis 40 ans, de l’enseignement des mathématiques dans le secondaire, en
France. Et il a eu (à peu près) cette phrase superbe :
cette succession de réformes nous fait évoluer dans un
système turbulent alors qu’il devrait être laminaire.
Et c’est là que j’ai réagi tellement cette image me
parlait : certain(e)s d’entre vous le savent peut-être, j’ai longtemps piloté
des avions de tourisme, j’ai même co-fondé avec un ami une toute petite école
de pilotage où je donnais des cours de « technique du vol » et où j’insistais en
particulier sur les dangers du « décrochage » – qui n’est pas, comme trop d’élèves-pilotes
le croyaient, lié à la vitesse de l’avion mais à son angle d’incidence.
En soi, si on vole suffisamment haut, « décrocher » n’a
rien de catastrophique et la plupart des pilotes s’y sont entraînés. Pour un
petit avion un décrochage lui fait perdre environ 200 m d’altitude et durant
cette chute, les commandes ne répondent plus… mais il suffit d’attendre que l’avion
se rééquilibre de lui-même et lorsque les commandes réagissent à nouveau de NE
PAS déclencher un nouveau décrochage par une fausse manœuvre (la plus classique
étant de tirer comme un dingue sur le manche pour relever le nez de l’avion !)
Qu’est-ce que le « décrochage » ? Le passage d’un écoulement
laminaire de l’air sur les extrados des ailes à un écoulement turbulent.
Et ce qui se passe avec les réformes de notre
enseignement ressemble terriblement à ça. Chaque nouvelle réforme engendre une
turbulence, chaque turbulence entraîne de nouveaux décrochages… scolaires.
Si un pilote fait décrocher son avion à une altitude de
1000 m ce n’est pas dramatique. Ça le devient si à chaque velléité de
rééquilibrage de l’avion il le fait à nouveau plonger.
Il y a 40 ans le système scolaire français planait haut
dans le ciel…
Philippe Colliard