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dimanche 30 novembre 2014

Proportionnalité : la grande illusion !

Il me semble surprenant de vouloir introduire la proportionnalité au collège en s'appuyant sur le commerce… Ou sur la nature !

Le commerce, d'abord, en quelques mots :

d'une part, lorsque le prix d'une marchandise n'est pas réglementé, la proportionnalité est à l'encontre du principe même du commerce - principe qui consiste à moduler les prix en fonction de la quantité.
(Et, si je puis me permettre une remarque polémique, principe dont le but n'est pas nécessairement d'avantager le client potentiel : Réduire à une question de prix l'intérêt d'acheter 1,2 kilos de confiture au lieu de 400 g escamote la possibilité que ladite confiture moisisse... Ou qu'on s'en empiffre déraisonnablement !)

D'autre part, s'intéresser au prix d'un produit donné imposerait rapidement de s'intéresser à la qualité de ce produit et, pour prendre tout son sens, à ses coûts de fabrication (humain, écologique, économique...) - ainsi qu'aux différents acteurs de sa distribution, de leurs moyens et de leurs motivations !

Un programme passionnant, mais un programme quelque peu... Hors programme !

La nature, ensuite :

la proportionnalité n'est pas naturelle, au sens le plus primaire du terme.

Dans l'univers du vivant, l'univers « physiologique », la proportionnalité n'existe simplement pas !

Un bébé d'un mois est-il deux fois plus grand, plus lourd... Voire plus sage (?) qu'un bébé de 15 jours ?
La croissance des feuilles est-elle proportionnelle au temps ?
La force d'un animal est-elle proportionnelle à sa masse ? Et sa longévité ?
Un randonneur qui parcourt 5 km en une heure va-t-il vraiment parcourir 100 km en vingt heures ?

Cherchez : y a-t-il un domaine du vivant ou la proportionnalité s'applique ?
Pour ma part, je n'en ai pas trouvé.

Et dans l'univers « physique » de notre planète ?

             Un terrain est-il deux fois plus humide en profondeur lorsqu'il pleut deux fois plus ?

             La pression subie par un corps immergé à 30 m est-elle trois fois plus grande que celle subie par un corps immergé à 10 m ?

             Si un roc de 10 kg glisse sur la voûte d'une caverne, quelque part à la surface de la Terre, cette voûte supporte un poids d'environ 100 N. Si cinq rocs de 10 kilos glissent sur la voûte de la caverne, cette voûte supporte 500 N.
Si cent rocs etc.  … La voûte s'effondre !

Mes exemples sont évidemment discutables, et de nombreuses lois physiques, de nombreuses applications technologiques expriment une proportionnalité.

Le lien entre distance, vitesse et durée, par exemple.
Mais ce modèle de proportionnalité - un des piliers de la physique classique - explose en physique quantique !

L'agrandissement d'une photo, alors ? Si chaque pixel d'une photo numérique est simplement « grossi », l'ensemble devient très rapidement flou, voire indéchiffrable. Si l'agrandissement est le résultat d'un traitement par un logiciel, le résultat sera satisfaisant plus longtemps... Mais essayez d'agrandir 10000 fois l’une de vos photos :) !

Non, la proportionnalité n'est pas « naturelle » !
Est-ce une raison pour la jeter aux orties ?

Certainement pas. Mais peut-être pour la recadrer : pour lui donner une place non pas dans le domaine du commerce, de la biologie ou de la matière, mais dans celui du raisonnement - qui est également celui de l'imaginaire.

La proportionnalité est un modèle - ou plus exactement, une idéalisation.

Aucune pierre, petite ou grosse, n’a une masse d’exactement 10 kg - où, plus justement, il nous est impossible d'affirmer qu’un pierre donnée a exactement cette masse... Mais rien ne nous empêche d'imaginer une telle pierre.
Tout comme nous savons qu'aucune voûte de caverne n'est infiniment résistante... Mais rien ne nous empêche de l'imaginer.
Aucune photo n'a une définition « continue »... Mais rien ne nous empêche d'imaginer cette photo idéale. Puis de constater que dans des limites raisonnables, quelque chose qui ressemble à une proportionnalité semble s'appliquer.

Des limites raisonnables : un empilement raisonnable de pierres sur une voûte, un agrandissement raisonnable d'une photo... Des mesures raisonnablement (im)précises !

La proportionnalité me semble être à la fois une simplification de notre environnement physique mais également une idéalisation de celui-ci. Et les deux ont leur utilité... Dans des limites raisonnables :)

Le vrai terrain de jeu de la proportionnalité : les mathématiques !

Si notre univers était « parfait », si chacun de ses éléments avait des mesures exactement définies, si nos instruments (eux-mêmes parfaits) nous en permettaient une détermination exacte... Alors oui, nous pourrions y chercher des proportionnalités autres que statistiques. En trouverions-nous ? Je n'en sais rien :)

Ce que je sais, ce que nous savons tous, c'est qu'il existe une science de « l’idéal » - et de l'imaginaire :) . En mathématiques, les nombres sont « exacts », les lignes sont continues et peuvent être illimitées, tout comme les surfaces ou les solides. Alors, autant les utiliser !

Au collège, plutôt que de chercher à convaincre mes élèves de l'omniprésence de la proportionnalité, j'ai toujours fondé mes premiers exemples sur des cas de disproportion...
Puis mon cours sur des tableaux de proportionnalité – ou non, déconnectés de la « réalité », et sur lesquels je pouvais raisonner. Allez savoir pourquoi, mes élèves s'y retrouvaient très bien :)

Vous trouverez, si vous le souhaitez, les feuilles de ce cours en cliquant sur « ébauches, servez-vous »... Et bien entendu, elle sont à votre disposition, sous licence « Creative Commons ». J'y parle évidemment des produits en croix, j'en utilise l'égalité (« vérifiée » en classe) mais ce n'est qu'en quatrième que je la démontre.

                               Et là, permettez-moi de vous renvoyer à cet autre article :)

Merci de votre attention, de votre fidélité à ce blog, et, je l'espère, à bientôt !

Philippe Colliard

samedi 22 novembre 2014

Le Prix du livre Tangente...



... N'est pas pour moi - je veux dire pas pour «... Donc, d'après... » ! :)




Il a été décerné mercredi, au cours de la soirée organisée au Sénat par Tangente, à « Inventions mathématiques » de Jean Paul Delahaye, aux éditions Belin-Pour la science – et j’en suis très heureux pour ce grand auteur.

Ce fut une belle fête (et un superbe buffet, au cœur du Sénat), et je ne peux que répéter ici ce que j'ai déjà dit dans un précédent article : qu'importe si mon livre ne décroche pas le Prix… Je suis fier de me retrouver en cette compagnie, comme auteur ET comme éditeur !
Il est pour moi exceptionnel que Tangente distingue ainsi un auteur inconnu, publié par une maison d’édition naissante !



« … Donc, d’après… »  est, je le crois fermement, destiné à devenir un livre de référence
– aussi fondamental en géométrie que le « Bescherelle » l’est en langue française.
Tangente y aura contribué... Et vous aussi !

En cliquant sur ceci , vous accéderez au dossier de presse composé par Tangente, à propos de cette soirée et des « Trophées Tangente » - car il y a en réalité trois trophées : le Prix du livre Tangente, le Prix Bernard Novelli et le Prix Tangente du meilleur article.



En cliquant sur  ceci , vous accéderez aux deux pages de ce dossier de presse qui concernent directement les nominés et le lauréat. Vous comprendrez peut-être mieux pourquoi je suis si fier de cette nomination !



Merci à toutes celles et à tous ceux qui - à travers ce blog - participent à cette aventure. Continuez ?

À bientôt, je l'espère... Pour un article mathématique :)

Philippe Colliard

mercredi 12 novembre 2014

Il y a des jours comme ça ...

 Une toute petite information, très nombriliste,  pour commencer...
 Puis une autre, absolument exceptionnelle !

la micro information, d'abord  :
c'est officiel, «... Donc, d'après... » fait partie des six nominés au Prix Tangente 2014.


... Apparemment, en dernière position - mais derrière cinq « poids lourds », des ouvrages à la valeur incontestable, proposés par de grandes et belles maisons d'éditions.
Alors, qu'importe si mon livre ne décroche pas le Prix (même si, évidemment, je croise les doigts) :
je suis fier de me retrouver en cette compagnie, comme auteur ET comme éditeur !

Concevoir  «... Donc, d'après... », voir ma fille Lauréline en composer les personnages, co-fonder pour ce livre une maison d'édition, si petite, si minuscule soit-elle - et cela dans le plus total artisanat (mais avec le soutien sans faille de ma famille et de quelques amis très proches)... C'est une aventure merveilleuse dont j'espère - dont nous espérons - qu'elle ne fait que commencer !

Merci à toutes celles et à tous ceux qui par leur vote ont permis cette nomination. Je leur voue une immense reconnaissance.

Et si mon livre n'est pas l'étoile de l'année, c'en sera au moins une petite comète !

L'information fabuleuse, maintenant :

Au moment où j'écris ces lignes, je guette, j'espère un autre succès - une information immensément plus importante que cette nomination (si importante soit-elle pour moi) : Philae, qui a quitté Rosetta depuis 20 minutes, se pose-t-elle correctement sur la comète Tchourioumov-Guérassimenko ?

Et … Ca y est , Philae est sur  « Tchoury » :

Excellente soirée à tou(te)s :)

Philippe Colliard

mardi 11 novembre 2014

Limite, continuité(s)... Les boules !



Ceux d'entre vous qui ont lu «... Donc, d'après... » le savent déjà : s'astreindre à n'observer que dans une droite ou dans un plan ce que nous, êtres humains, sommes équipés pour observer dans un espace de dimension trois ne me semble pas être une nécessité pédagogique. L'élément dans lequel nous nageons est « l'espace » : le concept de plan et celui de droite ne nous sont nullement familiers. C'est dans cet esprit que j'ai introduit et étudié les symétries planes à partir des symétries dans l'espace... Dont l'observation ne s'est pas montrée particulièrement ardue !

Dans le même esprit, il me semble possible d'aborder les notions de limite, de complétude et de continuité (simple ou uniforme) sans étriquer notre champ de vision - et sans s'encombrer de lettres grecques !

Les points de départ ?

D'une part, notre espace et sa métrique « naturelle », tels que nous les percevons - et que ces notions, une fois acquises, nous permettront d'approfondir.

D'autre part, des « boules d'espace »... Ce qu'en géométrie, on appelle tout naturellement des « boules » : l'ensemble des points de l'espace enfermés dans une sphère. En décidant ici que les boules que nous observerons seront « écorchées » (strictement l'intérieur d'une sphère) et non-dégénérées : leurs frontières ne seront pas des sphères réduites à un point (des sphères à rayon nul).

Enfin, accepter de porter un double regard sur les points de notre espace… Tout comme, dans un article précédent, j’avais porté un double regard sur les entiers naturels (vision usuelle, vision « spectrale ». L’article est ici :

De quel double regard s’agit-il cette fois-ci ?

Du « regard algébrique » ou du « regard topologique ».

Le « regard algébrique » se focalise sur un point, qu'il observe en toute indiscrétion !

Le « regard topologique » évite soigneusement de se porter sur un point - pour ne pas le gêner, pour ne pas donner l'impression de l'observer ? - mais il observe très soigneusement un voisinage de ce point... Et il en infère ce que devrait être le comportement de ce point pour ne pas trancher sur son voisinage. Dis-moi qui tu fréquentes je te dirai qui tu es - ou qui tu devrais être ! 


Le but ?

Tenter une approche presque strictement visuelle des rudiments de l'analyse.

... Mais en deux parties : dire que R (ou Rn) est continu n'a pas le même sens que dire "la fonction f est continue".
Dans le 1er cas, on s'intéresse à un espace dans lequel les suites de Cauchy convergent : un espace complet ;
dans le second, on s'intéresse aux convergences des "suites-images" (par f) de suites convergentes sur R.

Selon les besoins, j'observerai soit des boules « ancrées », définies par un centre et un rayon, soit des boules « vagabondes », uniquement définies par un diamètre.
Oui, bien sûr, un rayon permet de déterminer un diamètre, et réciproquement... Mais tout est dans le regard, dans l'utilisation : ce n'est pas par hasard que les deux ont un nom !

Et comme ceci est un article de blog, pas un cours de maths... Il n'y aura pas de dessins :)
mais rien ne vous empêche, évidemment, de dénicher quelque part une feuille de papier, un crayon, et d'en faire, vous, des dessins !

Et maintenant, quelques définitions nécessaires… Ensuite, à vos crayons !  

Première partie : Rn est continu (au sens de « a la puissance du continu »)

Je me contenterai de n = 3 ; j'appelle E l'ensemble des points de notre espace.

Suite de points de E : une application de N vers E. Chaque point de la suite est donc image d’au moins un entier.
Ou, plus simplement : je choisis des points de E - ceux qu'il me plaît de choisir - et je les numérote : point numéro 0, point numéro 1, point numéro 2... En imaginant que j'y passe ma vie, et que je suis immortel !

Indice d’un point (d’une suite de points de E) : un entier dont ce point est l’image. (Le « numéro » du point. Cet entier indique – ou indexe – le point !)

Terme ou Point indexé (d’une suite de points de E) : le couple formé d’un point et d’un entier dont il est l’image.
Au lieu d'écrire, par exemple, (P,5) et de parler de la première ou de la deuxième place du couple, il est d'usage dans les suites d'écrire P5 et de parler du point ou de l'indice du point indexé.
Si un même point P a plusieurs indices, par exemple 5, 12 et 23, il lui correspond plusieurs points indexés de la suite (ici :  P5 , P12  et  P23), puisque deux couples sont différents si l’une de leurs places place diffère :)
L'ensemble des points indexés est totalement ordonné (d'après l'ordre canonique sur N), et il est courant d'écrire les points indexés d'une suite suivant cet ordre - et de parler des
« premiers points indexés de la suite », puis, par abus de langage, des « premiers points de la suite ».

« Terme » est plus général, et donc bien plus usité que « point indexé » (bien souvent, une suite porte sur autre chose que des points !)... Mais ici, j'observe notre espace de points, donc ce sera « point indexé » :)

Rang d'un point indexé : son indice ou, s'il en a plusieurs, l'un de ses indices - pas nécessairement le plus petit !

Suite stationnaire : telle qu’à partir d'un certain rang, tous les entiers suivants indiquent le même point.

« Presque tous les points indexés de la suite » : tous les points indexés de la suite, à l'exception d'un nombre fini d'entre eux.
Ou encore : tous les points indexés de la suite, à partir d'un certain rang.

(le point) A est limite de la suite : quelle que soit la boule centrée en A que j'observe, elle contient « presque tous les points indexés de la suite ».
Ici, «quelle que soit la boule...» est un raccourci pour «quel que soit le rayon de la boule...»

La suite converge en A :  (le point) A est limite de la suite. :)

La suite converge (sous-entendu en un point de notre espace) : il y a un point de notre espace qui est limite de la suite (je n'ai juste pas précisé lequel !)

 A, B, C … sont des points d'accumulation de la suite : quelle que soit la boule centrée en A (ou B, ou C …) que j'observe, elle contient une infinité de points indexés de la suite - mais rien ne dit qu'elle n'en laisse pas non plus échapper une infinité !   (Si une suite converge, son point-limite est son seul point d'accumulation)

Suite dite « de Cauchy » : suite telle que, quel que soit le diamètre que je choisis, il existe un rang après lequel toute paire de points indexés de cette suite est prisonnière d’une boule de ce diamètre.
(après lequel… Donc d’indices supérieurs à ce rang)

Notre espace est complet : toute suite de Cauchy y converge.

Deuxième partie : continuité d'une fonction numérique réelle en un point - ou sur un intervalle :

Boules de R :

                f étant une fonction numérique réelle, a et b étant des réels quelconques,
« rayon » et « diamètre » caractérisant des réels strictement positifs :

     boule centrée en a, de rayon r : intervalle ouvert ] a – r ; a + r [  (centre est pris au sens de la symétrie centrale !)
     boule de diamètre d : intervalle ouvert ] a , b [  tel que la distance entre a et b soit  d

Image par f d’une boule : ensemble des images par f des éléments de la boule (et non, ce n’est pas nécessairement une boule ! J )

f est continue en a : f(a) existe et, quelle que soit la boule B centrée en f(a), il existe une boule centrée en a dont l'image est incluse dans B.

(Rapidement : l'image algébrique de a et son image topologique doivent exister toutes les deux... Et être la même !)

f est continue sur un intervalle de R : f est continue en tout point de cet intervalle.

(Lorsqu'une fonction numérique réelle est continue sur un intervalle de R, l'image de cet intervalle par cette fonction est encore un intervalle... Et le graphe de la fonction est une partie complète de R2 : en bref, on peut le représenter par une « ligne continue traçable » !)

f est uniformément continue sur un intervalle de R :
quel que soit le diamètre d1 choisi, il existe un diamètre d2 tel que, quelle que soit la position d'une boule de ce diamètre d2 à l’intérieur de l'intervalle observé, l'image par f de cette boule est incluse dans une boule de diamètre d1.
(A l’intérieur de l’intervalle observé : aucun des nombres de la boule ne « sort » de l’intervalle !)

Merci encore de suivre ce blog, et ... A bientôt ?

Philippe Colliard

P.S. : bizarrement, de nombreux commentaires ont été rédigés AVANT cet article... C'est le monde à l'envers ! Mais en réalité, il s'agit de commentaires portant sur une sorte d'ébauche rapide de l'article, postée quelques jours plus tôt dans « mathlyc », une liste que j'apprécie beaucoup.