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mercredi 20 novembre 2013

Le collège et la bosse des maths

L'une des convictions les plus répandues dans notre société est que les mathématiques sont réservées à une élite génétiquement prédisposée… Et cette conviction est la cause d'innombrables frustrations, tant chez les élèves que chez leurs professeurs !

Dans le cadre du collège, cette affirmation est un mensonge aux conséquences gravement destructrices.
Entendons-nous : il est évident que tous les ados ne deviendront pas Evariste Galois ou des médaillés Fields...
Mais les mêmes ados ne deviendront pas tous non plus Arthur Rimbaud (ou Marguerite Yourcenar), ni des prix Nobel de littérature, et pourtant, ils ne passent pas leur temps à entendre - et a répéter - que le français, ce n'est vraiment pas leur truc, et que de toute façon, dans leur famille...

Encore une fois, il s'agit ici des mathématiques au collège !

De quoi un collégien a-t-il besoin pour maîtriser ces mathématiques là ?

Posons la question autrement : de quoi un collégien a-t-il besoin pour maîtriser le français au collège ?
De savoir lire, de connaître le sens des mots, d'avoir suffisamment de mémoire et d'imagination pour enregistrer une phrase et l'interpréter, d'avoir acquis un vocabulaire et une connaissance de la syntaxe suffisants pour, à son tour, composer des phrases qui sauront correctement traduire ses pensées... Et d'accepter de formuler lesdites pensées !

Et maintenant, reprenons : de quoi un collégien a-t-il besoin pour maîtriser les mathématiques au collège ?
De savoir lire, de connaître le sens des mots, d'avoir suffisamment de mémoire et d'imagination pour enregistrer une phrase et l'interpréter, d'avoir acquis un vocabulaire et une connaissance de la syntaxe suffisants pour, à son tour, composer des phrases qui sauront correctement traduire ses pensées... Et d'accepter de formuler lesdites pensées !

Quelle(s) différence(s) avec le français ?

Elles vont toutes dans un sens favorable aux maths :

les mots du vocabulaire mathématique qu'ils doivent maîtriser sont bien moins nombreux que ceux du français (une petite centaine de mots, contre plus de 2000).
La syntaxe des phrases mathématiques est bien plus simple, bien plus rigide, disons-le, bien plus pauvre que celle d'une phrase de français.
L'imagination nécessaire, même si elle est tout aussi fondamentale, ne s'applique qu'à peu de situations (quelques positions particulières de points, de lignes ou de surfaces simples, quelques configurations numériques...) alors qu'en français, l'imagination requise fait appel aux innombrables sujets de nos sociétés, du plus vaste au plus intime !

Parents, si vous lisez l'anglais, lisez cet article …Et sinon, cet article, qui vous en donnera l’esprit !

Parents, s'il vous plaît, arrêtez de « rassurer » vos enfants en leur expliquant combien vous étiez « nuls en maths » ! Si vous l'étiez, ce n'était pas une question de neurones ni de prédisposition quelconque, mais vraisemblablement parce qu'on vous demandait de disséquer des objets dont vous ne saviez pas vraiment ce qu'ils étaient : quelle qu'en soit la raison, vous en gardiez une définition beaucoup trop vague, trop floue, trop fausse - voire trop incomplète - pour pouvoir vous y intéresser.

Essayez de donner du sens à la phrase « je mange une barre de chocolat » si vous ne savez pas que le verbe est « mange » et pas « barre », que « je » n'est pas un « jeu », que « barre », dans ce contexte, n'est pas une longue tige d'acier et que « chocolat » n'est pas une couleur !

Parents, laissez une chance à vos enfants d'aimer les mathématiques : dites-leur que vous regrettez (même si ce n'est pas vrai !) de ne pas avoir eu la chance - ou la possibilité ? - d'en comprendre et d'en apprendre les mots suffisamment bien pour pouvoir jouer avec... Et insistez pour qu’ils prennent le temps, pour qu'ils fournissent l'effort, eux, de le faire.

Vous ne le regretterez pas, et eux non plus !

Un des cris du cœur que je préfère, lorsque je reviens avec un élève a priori rétif sur une définition, une situation, un raisonnement : « C’est juste ça ? Ben, finalement, c’est facile ! »

Philippe Colliard.

vendredi 1 novembre 2013

L'âge du lecteur


Quels sont les prérequis nécessaires pour pouvoir lire ce livre ?

Cette question m'exaspère. Elle peut avoir du sens pour un manuel ou pour un cours. Elle peut également en avoir pour une nouvelle ou un roman dont l'intrigue suppose la connaissance d'une société. Elle peut certainement en avoir dans de nombreuses autres circonstances...
Mais pour une construction axiomatique de la géométrie ? Une construction qui part du sol lui-même ? Une construction qui définit patiemment chacun des objets, chacun des mots qu'elle utilise - uniquement à partir des objets et des mots qu'elle a déjà définis - et du langage courant ?

Pour lire ce livre, les seuls prérequis sont : savoir lire et l'aborder avec curiosité.

Oui, un enfant de 12 ans peut lire ce livre et en tirer profit.
Pas d'une traite, bien sûr, et pas tout ! Mais suffisamment pour s'y intéresser.

Avant que notre société ait inventé les « romans à consommer » - romans pour 10 ans, romans pour 14 ans - les écrivains écrivaient pour écrire avant d'écrire pour vendre. Et si leurs ouvrages étaient intéressants, ils se vendaient. De « 7 de à 77 ans », disait « le journal de Tintin ». A l'époque, 77 ans, c'était le bout du monde !

Un enfant de 12 ans a-t-il un esprit critique suffisamment développé et une culture suffisante pour disséquer et critiquer tous les éléments d'un livre de Jules Verne ou de Rudyard Kipling ? Non, certainement. Et pourtant, viendrait-il à qui que ce soit l'idée de leur déconseiller la lecture de « 20 000 lieux sous les mers », de « l'île mystérieuse », des « histoires comme ça » ou de « Kim » (sans parler du « livre de la jungle ») ?

Entendons-nous : je ne suis pas un grand écrivain. Je n'arrive pas à la cheville - que dis-je, au talon ! - de Verne ou de Kipling, et j'admire leurs œuvres (sans, bien souvent, partager leurs idées)...
Mais commencer à les lire, s'intéresser à ce qu'ils racontent, exige bien plus de connaissances que d'aborder «… Donc, d'après... »

Ayant précisé cela, je dois peut-être maintenant préciser que,
ne voulant pas voir ce livre catalogué « pour grands »,
je ne veux bien sûr pas non plus le voir catalogué « pour petits » :

il est le résultat de dizaines d'années de réflexion et de recherches, de plus de quatre ans d'écriture. Si je l'ai écrit dans un langage accessible à des enfants de 12 ans, il s'agit, à ma connaissance, du premier ouvrage à proposer une construction intégralement démontrée de la géométrie élémentaire : j'espère que mes collègues seront nombreux à le lire, à s'y intéresser, à le critiquer - pour mon ego, de préférence en bien, mais les critiques négatives elles-mêmes ont leur intérêt !

J'espère également que des adultes qui ne sont pas des professionnels de l'enseignement y trouveront leur compte... Ne serait-ce que pour aider leurs enfants à s'affranchir de l'idée extrêmement courante mais totalement fausse et nocive qu'il faut avoir « la bosse des maths » pour réussir ses études secondaires.

Cela, c'est une autre histoire, et j'y reviendrai dans un prochain article.

Philippe Colliard.