Là, vous m'avez eu !
En entrant en classe, Lucas
- ou est-ce Joey ? - m'a tendu une enveloppe marron d'apparence très administrative :
« vous avez du courrier M’sieur »... Avec, tout de même, un
petit sourire.
Vous vous êtes installés, peut-être un peu plus silencieux
que d'habitude. J'ai posé l'enveloppe sur le bureau, sans trop m'y intéresser, je n'avais pas compris.
Comme d'habitude, j'ai noté les absents sur l'ordinateur,
comme d'habitude vous avez tous sorti un bloc et un stylo
(oui, « et rien
d'autre ! »).
Puis j'ai ouvert cette enveloppe. J'ai lu. En silence. Un
vrai silence : vous me regardiez, et moi, je ne pouvais pas parler.
Ce n'est pas que vous ayez écrit de grandes phrases, ni
qu'il soit bien original que des élèves disent adieu à leur prof.
Non. C'était toute l'atmosphère. L'intensité de votre
silence, le travail de composition de ce petit livret, ce que vous écriviez.
J'avais envie de pleurer... Mais ça ne se fait pas, n'est-ce
pas ?
Pendant plusieurs minutes, j'ai marché de long en large,
devant vous. Je ne pouvais toujours pas parler, et vous le saviez.
Puis ma voix est revenue… Plus ou moins. Je vous ai
remerciés, bien sûr. Je vous ai dit - et c'était vrai - que vous alliez me
manquer. Vous avez applaudi. Longuement, peut-être pour me laisser le temps de me reprendre. Je vous ai demandé l’autorisation de « publier » votre
courrier. J’ai également emprunté à Aïtana ses cahiers exceptionnels (je les
publierai peut-être un jour, si elle me le permet).
A mon tour, je vous ai un peu surpris en offrant "... Donc, d'après..." à trois d'entre vous
- que tous les autres ont également applaudis, sans aucune mesquinerie.J'aurais bien aimé en offrir un exemplaire à chacun(e) (à quoi sert-il d'écrire un bouquin si on ne le partage pas ?), mais, je vous l'ai dit, je n'en avais pas les moyens !
Et nous avons travaillé, une dernière fois.
Dans les mouvements de la sortie de classe,
une main anonyme
a écrit au tableau « on vous aime ».
Moi aussi, je vous aime.
Merci à tou(te)s.
Philippe Colliard