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lundi 7 septembre 2015

Priorités opératoires : restons simples !



Colonne « commentaires » du programme de mathématiques de cinquième - celui qui doit bientôt changer :

l'acquisition des priorités opératoires est un préalable au calcul algébrique. Les questions posées à propos de résultats obtenus à l'aide de calculatrices peuvent offrir une occasion de dégager les priorités opératoires usuelles.

Un préalable au calcul algébrique ? Sans aucun doute !
Mais est-il nécessaire de faire intervenir ici les calculatrices, et qui plus est, de leur attribuet un rôle de « sages », de gardiens de l'orthodoxie ? Alors que dans la colonne
« capacités » du même paragraphe, on lit :

Effectuer une succession d'opérations données sous diverses formes (par calcul mental, à la main ou instrumenté) uniquement sur des exemples numériques.

Pourquoi ne pas d'une part, s'appuyer sur des calculs mentaux simples, et d'autre part attribuer à l'humain - et en particulier au mathématicien - ce qui lui appartient ?

Pourquoi ne pas demander à nos élèves de n'avoir devant eux qu'un brouillon et un stylo, écrire au tableau un calcul comme celui-ci :   a = 30 – 20 : 5 x 2 + 18 – 8 : 4     Et  leur demander de calculer a ?

Pourquoi ne pas prendre le temps de leur montrer que les différentes réponses qu'ils obtiennent proviennent de lectures différentes de cette ligne de calcul (bon, et aussi parfois d'erreurs de calcul, c'est vrai) ?

Pourquoi ne pas leur expliquer que ce sont les mathématiciens qui se sont mis d'accord, il y a longtemps - bien avant les machines ! - sur un principe commun d'écriture et donc de lecture d'une chaîne d'opérations ?
Et que les calculatrices ont été évidemment programmées
                                                pour obéir à ce principe.

Pourquoi ne pas en profiter pour mettre en avant la volonté qu'avaient ces mathématiciens d'imposer des règles simples. Simples à mémoriser, simples à appliquer... Et aussi peu nombreuses que possible.

Bien sûr, derrière ces règles se cache une connaissance des structures numériques qui échappe à nos élèves, mais dont ils n'ont pas besoin pour les utiliser :

derrière la séparation des quatre opérations « de base » en deux familles, on retrouve les groupes (R,+) et (R*,x)  (on les retrouve également dans la possibilité de calculer
12 : 7 x 28 : 3   sous la forme  12 : 3 x 28 : 7)

Mais une fois ces deux familles identifiées, les priorités opératoires usuelles citées par le programme officiel prennent tout leur sens d’usuelles : c'est à l'usage qu'il a été choisi de donner la priorité à la famille « multiplications - divisions ». C'est à l'usage également qu'il a été décidé qu'une succession d'opérations de la même famille, sans parenthèses apparentes, sous-entendait des parenthèses emboîtées de la gauche vers la droite :
   
12 : 3 x 28 : 7 x 2  =  (((12 : 3) x 28) : 7) x 2   ...

Une séance suffit pour convaincre une classe d'interpréter une chaîne d'opérations dans l'esprit dans lequel elle a été écrite.

Une autre séance pour initier la classe à l'intérêt des parenthèses :
-     expliquer qu'une chaîne entre parenthèses est simplement un calcul qu'on a oublié d'effectuer, ou qu'on a remis à plus tard... Ou qu'on a décidé de déléguer à d'autres
- ce que peuvent faire certains ordinateurs qui travaillent en parallèle.
-     Éventuellement tempêter, si on le souhaite, contre l'idée que les parenthèses sont prioritaires (en profiter pour faire la différence entre prioritaire et incontournable !)

Une dernière séance pour observer des chaînes avec plusieurs parenthèses (en profiter, maintenant, pour malmener l'idée que les « parenthèses les plus emboîtées » doivent impérativement être traitée avant toutes les autres) - et pour vérifier, au cours d'une courte interrogation écrite, que le message est bien passé…

Et voilà ! Il me semble que les calculatrices ne viennent qu'après, éventuellement bien après :)

Si cela vous intéresse, vous trouverez mes feuilles de cours « opération et priorités »
en cliquant sur « ébauche » (elles sont naturellement en licence Creative Commons).
J'y ai également « publié », juste en dessous, une feuille d'explications (à mes élèves) de ce que j'appelais des « rams », et une feuille A4 composée d'une première « ram » sur ce thème, et de sa correction.

Merci à celles et à ceux qui continuent à s'intéresser à ce que j'écris... Et qui me le font souvent savoir en privé (peut-être que de temps en temps, un commentaire public - pas trop désagréable - serait envisageable ?)

À bientôt ?

Philippe Colliard