Peut-être ne
connaissez-vous pas Polo. D'ailleurs, Polo n'est pas son vrai nom : il
s'appelle Pierre Lamy. Il est chanteur compositeur et je ne l'ai découvert que
le mois dernier, au cours d'une conférence animée par le professeur Jean
Dhombres, dans la petite salle du Centre Pompidou.
(Math’NPop, 15
décembre 2014 : http://www.bpi.fr/agenda/mathn-pop)
La vidéo de cette conférence est ici :
et Polo y fait son
entrée vers la marque 1h10 (la conférence dure plus de 2 heures, 2 heures que
j'avais trouvées passionnantes).
En une dizaine de
minutes, Polo explique la genèse d'une chanson qu'il a écrite pour et avec des
enfants de maternelle - mais il a bien sûr écrit beaucoup d'autres chansons, y
compris pour Johnny Hallyday ou Enrico Macias... Si vous voulez tout savoir de
son parcours,
c'est ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Polo_%28chanteur%29 .
Bon, où sont les
maths, là-dedans ?
Patience.
D'abord, elles étaient
au centre de la conférence : deux heures à lier mathématiques et musique.
Ensuite, cela fait
maintenant un mois que sa chanson me trotte dans la tête... Preuve qu'il est
vraiment très fort - ou que je suis vraiment très influençable.
Pas toute la chanson :
sa musique, et son refrain (pardon, son « chorus », d’après un des
conférenciers) :
Prenez un gen gen gen, un gentil dinosaure …
Et petit à petit,
beaucoup de pensées se sont greffées sur ces mots. Certaines un peu
nostalgiques, d'autres aigres-douces, peut-être... D'autres encore, franchement
amères - ou peut-être, tout simplement, désespérées.
Pendant plus de 40 ans, j'ai compris les maths comme la science du
raisonnement. Comme la science qui encourageait à penser juste, à vaincre les
sophismes, les illogismes de toutes sortes, à se défier des sectes et des beaux
parleurs de la politique ou de la société de consommation. Comme la science qui
formait l'esprit.
Je me suis
plongé dans le collège, je n'ai pas voulu le quitter parce qu'il me semblait
que tout se jouait là. Parce qu’une passion des mathématiques pouvait commencer
là, par de premières démonstrations simples, de premiers outils qui serviraient
à d'autres démonstrations plus complexes, des démonstrations « à étages ».
Parce que des enfants de ce qu'on appelait pudiquement les « catégories défavorisées
» - que ce soit financièrement ou socialement - pouvaient se saisir de ces
maths là indépendamment de leur maîtrise du français.
Et puis les
programmes ont commencé à évoluer, à mon sens, à se déstructurer. Un verbiage
prétentieux a fleuri, qui cachait une misère de plus en plus grande et de plus
en plus évidente des « attendus » réels des élèves de collège.
L'engouement
pour les machines n'a rien arrangé, en tirant les mathématiques vers une simple
technique dont il suffisait de maîtriser quelques codes (non, je n'ai rien
contre l'informatique : en 1985, j'ai composé, sur Amstrad, l’un des premiers
logiciels grand public de mathématiques, en 1990, j'ai « co-composé », avec mon ami Marc Merzoug, un
logiciel de CAO-DAO qui a eu son heure de gloire en de nombreux pays, et
jusqu'à cette année, j'ai été le responsable informatique de mon collège).
Prenez un gen gen gen, un gentil dinosaure …
Au sein de « mon »
académie, l'académie de Versailles, je me suis battu pendant plus de dix ans,
aux côtés de professeurs et d'inspecteurs passionnés, pour promouvoir des
mathématiques qui ne feraient pas semblant, à qui l'on ne demanderait pas
d'être « ludiques » par incapacité à les montrer passionnantes.
Des mathématiques qui
sortiraient des «tripes » des profs, pas des pages d'un manuel. Qui redonneraient
leur place à l'imagination, à la fantaisie, au jeu d'acteur, à la communication
entre un prof et TOUTE sa classe.
Je me suis pris au
jeu, je me suis pris à rêver : il fallait pouvoir offrir aux profs un livre qui
imaginait, qui faisait réfléchir - et parfois rire – mais avant tout, un livre qui
démontrait toute la géométrie du collège. TOUTE.
Avec un langage simple, et
pourtant une rigueur absolue.
Avec également beaucoup
de... Gentillesse, de complicité !
Prenez un gen gen gen, un gentil dinosaure …
Ce livre n'existait
pas, mais dans leur grande majorité, me disais-je, les professeurs feraient des
bonds de joie s'il existait.
Je l'ai écrit. Il
n'est pas parfait, bien sûr... Mais il est très certainement unique et, je le crois
toujours, indispensable !
Je l'ai écrit, je l'ai
édité - à travers une minuscule maison d'édition fondée pour lui. Il me
semblait qu'il en valait la peine. Avec un ami - un prof de maths, mais avant
tout un de ces rares amis réellement engagés - nous l'avons fait connaître.
Auprès de plus de 3000 professeurs, auprès de plus de 1000 CDI, auprès de
parents et d'élèves.
Ceux qui l’ont lu, dans leur très grande majorité, l'ont
apprécié. Professeurs, parents, adolescents. Un livre écrit pour eux, vraiment
pour eux. Un livre dont je rêvais qu'il aurait un jour sa place dans tous les
CDI de France, au même titre que les « Bescherelle ». Et non, pas pour des
raisons commerciales. Parce que les profs, ceux des collèges et des lycées,
auraient un outil qui leur manquait.
(J'aimerais beaucoup qu'avant
de poursuivre, vous preniez le temps de (re)lire cet article, déjà ancien de
quatre mois :
Prenez un gen gen gen, un gentil dinosaure …
Des parents, des
adolescents ont acheté «... Donc, d'après... ». En ligne ou en librairie.
Mais en un an, savez-vous
combien de professeurs l'ont fait ? Combien de CDI ?
80 profs, 2 CDI.
« Mes » maths
s'éteignent.
J'étais un gen gen gen, un gentil dinosaure …
Un peu rêveur,
peut-être.
Maintenant, je ne suis
plus qu'un dinosaure…
Et pourtant non, je
n'arrêterai pas de me battre pour ces maths du passé.
Philippe Colliard