photo : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/2c/Cranes_rzeszow.jpg |
…
Ou comment je suis passé à côté d'une mine d'or !
Peut-être
connaissez-vous déjà le blog de Mara Goyet ?
Peut-être
êtes-vous déjà nombreux à le suivre ?
Non,
c'est vrai, Mara n'est pas un prof de maths : elle enseigne l'histoire et la
géographie... Et j'espère qu'elle ne m'en voudra pas de l'appeler « Mara ». Pour
plagier Prévert, je dis « tu » à tous ceux que j'aime, même si je ne les
connais pas.
Je
viens de lire son dernier article, il est ici :
Comme
pour nombre de ses autres articles, je suis sous le charme. D'une part, parce
que j'aime sa façon d'écrire, mais également parce que je me sens
particulièrement en phase avec sa vision de l'enseignement.
En
maths, comme en « histoire-géo », une « question d'actualité » me paraît être une
des meilleures introductions possibles à un cours - mieux, un des meilleurs
supports possibles de ce cours : si vous me lisez depuis quelque temps, vous savez
déjà tout le mal que je pense des « introductions ludiques » des maths... Mais
je n'aime pas davantage les introductions artificielles, ces questions qui n'intéressent
(presque) personne, et qui ne sont que le prétexte à un cours bien rôdé.
L'article
de Mara m'a remis en mémoire un de ces souvenirs qui me font encore parfois
grimacer, ou hausser les épaules avec une pointe de résignation... En un mot,
un regret, celui d'une occasion manquée.
C'était
il y a sept ou huit ans. À la fin d'un des derniers cours avant les vacances de
printemps, alors que les élèves s'apprêtaient à sortir, mon regard s'est
attardé sur une grue, montée près du collège, près des fenêtres de la classe.
Je devais, vraisemblablement, avoir l'air pensif et l'un des élèves m'a
demandé, mi-sérieux, mi-moqueur. « Vous avez peur qu'elle tombe, M’sieur ? »
J'ai
souri, évidemment : ce n'était qu'une interclasse, pas une récréation, et nous
n'avions, ni lui et moi, le temps d'approfondir.
Mais
le soir, j'ai fait quelques recherches, d'abord sur Wikipédia
(ici : grue à
tour, puis ici : lest)
puis
sur un ou deux sites spécialisés dont je vous ferai grâce (vous ne tenez
vraisemblablement pas à tout savoir sur les brevets concernant le lestage d'une
grue à tour) !
Je
me suis dit qu'il y avait là de quoi meubler quelques séances de quatrième, et j'ai
passé mon premier jour de vacances à y réfléchir, puis à bricoler.
Le centrage :
pour
illustrer les actions de la flèche et de la contre flèche, un mètre gradué
rigide (une règle pour tableau), posé en équilibre sur le dos d'un livre entrouvert,
lui-même posé en « A » sur une table, et une boîte de masses.
Partir
de deux masses de 10 g aux extrémités de la règle, puis remplacer une de ces
masses par des masses de plus en plus importantes, de plus en plus près du « couteau »
(le milieu de la règle).
Consigner
les différents résultats sur un tableur, en un tableau à trois lignes :
masse,
distance au couteau,
inverse de cette distance,
puis
cacher la seconde ligne, dans l'espoir de mettre en évidence la
proportionnalité entre les deux autres lignes.
Les contraintes de
position pour le sommet du fût :
construire
un cylindre droit, en papier « Canson », d'une hauteur d'un centimètre, d'un
diamètre de 8 cm, et le scotcher à la table - il servira à la fois de cadre et
de référence.
Construire
- toujours en papier « Canson » - plusieurs cônes de 8 cm de diamètre à la
base, d'une vingtaine de centimètres de hauteur : un cône de révolution et les
autres, de plus en plus obliques.
Accrocher
au sommet de ces cônes des masses de même valeur.
Placer
ces cônes à l'intérieur du cadre cylindrique, et déterminer pourquoi certains
restent stables et d'autres tombent (imaginer un prolongement du cylindre).
Aboutir,
naturellement (?), aux notions de verticalité et d’horizontalité, puis de
polygone de sustentation (et
ici, bien entendu, de disque de sustentation - revenir sur la différence entre disque
et polygone !)
Terminer
par une remarque sur la hauteur du fût : plus il sera haut, plus une petite
déviation par rapport à la verticale suffira à déséquilibrer la grue !
Les contraintes de
fonctionnement :
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/2c/Cranes_rzeszow.jpg |
la
nécessité d'un lest pour contrebalancer la charge,
et
l'idée de contrefort pour élargir considérablement le polygone de sustentation
de la grue - en profiter pour glisser quelques mots sur les contraintes liées
aux résistances des matériaux.
En
bref... Montrer que manipuler une grue suppose un acquis mathématique :)
J'étais
prêt ! J'ai même, un moment, envisagé d'acheter une grue miniature.
Bon,
envisagé seulement !
Et heureusement : au retour des vacances, la grue avait
disparu !
Alors,
je n'ai rien dit. Parce que « vous vous rappelez, la grue, là... Enfin, qui
était là... », je ne le sentais pas. Trop artificiel.
Oh,
je n'ai pas tout jeté, bien sûr. J'ai « réinvesti », comme le préconisent tous
les maîtres de la pédagogie. La règle en équilibre, par exemple, m'a servi à
montrer que la notion d'inverse avait d'autres applications que la résolution
d'une équation.
Mais
le reste de mes bricolages repose au fond d'une armoire, et comme vous le
constatez, huit ans plus tard, je rumine (grue-mine ?) encore cette
histoire.
Moralité
: quand on tombe sur une mine d'or, il faut se dépêcher d’en ramasser les pépites
!
À
bientôt, peut-être,
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